La voix d’Angèle : témoignage d’une femme face au cancer de l’uterus

À 55 ans, ménopausée depuis plusieurs années, un matin, j’ai été surprise de voir couler du sang comme si mes règles s’invitaient à nouveau. Une seule journée, puis tout s’est arrêté. Cette inquiétude s’est transformée en peur sourde. J’ai rapidement consulté un gynécologue : après l’examen, il m’a prescrit une échographie pelvienne. Rien d’inquiétant, m’a-t-il assuré. On surveille, mais sans insister.

L’errance diagnostique

Pourtant, moins d’un mois plus tard, les saignements reviennent. L’inquiétude, elle, ne m’avait pas quittée. Nouvelle échographie, toujours « rien d’anormal ». Mais, au fond de mon ventre, la gêne persistait, une douleur sourde, insaisissable. Je consulte alors un chirurgien digestif qui me recommande une échographie, chez un spécialiste réputé à Mawata, à Pointe-Noire. Après trois mois de dérangements, enfin, quelqu’un remarque « une image suspecte, évoquant une tumeur de l’utérus« . Étrange soulagement : on ne souhaite jamais la maladie, mais il est terriblement épuisant de souffrir sans qu’aucun médecin ne voie rien.

Faute d’IRM en ville, je dois passer un scanner abdomino-pelvien. Mais à Loandjili, l’hôpital est en grève. On est en 2012. Ma détermination me pousse à Brazzaville, pour les examens et espérer obtenir mon passeport, car je veux continuer mes démarches à l’étranger. Pendant ce temps, mon bas-ventre devient lourd comme jamais. Le scanner confirme les soupçons. Pour le passeport congolais, malgré les pourboires et l’appui des relations… Rien.

La souffrance artificiellement provoquée

Un mois plus tard, je retrouve Pointe-Noire, mais je suis plus faible qu’avant, le ventre gonflé, douloureux, comme enceinte de plusieurs mois. Dans la salle d’attente du nouveau gynécologue, j’entends les commentaires des jeunes filles : « Elle n’a pas honte, à son âge, elle prend encore une grossesse ? » J’ai le cœur serré. On programme une double biopsie : col de l’utérus et endomètre, à Loandjili. Dix jours d’attente. Les résultats tombent pour le col, mais la biopsie de l’endomètre, pourtant indiquée, n’a pas été faite. C’était semble-t-il au gynécologue de le faire. Le jour J, il dit avoir fait une anesthésie locale, mais j’en doute. C’était la première expérience de douleur extrême depuis que la maladie avait débuté. À la fin du prélèvement, il m’apprend qu’il a décidé que l’analyse de la pièce se fasse en France. J’avais si mal que j’étais pressée de rentrer chez moi. Je retenais mes larmes pour ne pas traumatiser mon fils aîné qui m’avait accompagné.

Trois semaines d’attente, à serrer les dents… Le verdict tombe : cancer de l’endomètre. Le monde s’effondre. Et maintenant, que faire ? Les médecins me disent que la maladie a trop progressé. On découvre un liquide dans mon ventre. Une fatigue constante m’habite, la douleur ne me quitte plus, l’appétit me fuit, ma voix s’éteint. Il faut réévaluer, faire de nouveaux examens. On m’accompagne dans le bureau du chef de service de l’hôpital A Sicé. Le verdict est sans appel : « On ne peut plus opérer. Il va falloir commencer la radiothérapie. »

Combat au delà des frontières

Face à ce verdict, après sept longs mois de souffrances, mon passeport étant disponible depuis quelques temps, je prends la décision de partir au Maroc. Là-bas, je reçois des soins qui, en deux jours, m’ont redonné une énergie oubliée. J’ai subi quatre interventions chirurgicales. La maladie poursuivait sa route, obstinée, mais la douleur ne m’étouffait plus en permanence. Il y avait aussi des jours sombres, mais pas comme au Congo. Ce séjour, loin de ma famille, était le prix à payer pour grappiller quelques instants de vie supplémentaire. Après discussion avec les médecins marocains, ma famille m’a encouragée à profiter de ce répit pour revenir les voir. J’étais heureuse de les revoir, très heureuse. Hélas le répit était de courte durée. Quand j’ai quitté mon corps deux mois plus tard, le 22 août 2014, j’avais encore envie de vivre. J’avais encore tant d’amour à donner.

Si aujourd’hui, moi Angèle Obenga, je retrace mon histoire, c’est pour interpeller une femme et un docteur afin qu’ils ne sous-estiment jamais un saignement chez une ménopausée. Qu’ils considèrent ce petit saignement comme le début d’une course contre la montre pour maximiser les chances de guérison. Je retrace mon histoire afin qu’ils ne se contentent plus d’une echographie normale. Que ceux qui entretiennent le désordre dans la délivrance des passeports réalisent les effets secondaires de leurs œuvres. Je retrace mon histoire pour que ça aide quelqu’un à coté de vous, à vivre plus longtemps que moi.

Par Euclide OKOLOU pour 242sante.net